L'autre jour on entend à RFI que le Burkina abandonnait la culture du coton transgénique. Le Burkina est classé au rang des grands pays
producteurs de coton en dépit des conditions climatiques défavorables et des caprices pluviométriques que connaît le pays et se place au treizième rang des pays producteurs d’OGM dans le monde.
Cette information a donc été une grande surprise pour moi, et une bonne nouvelle...
Mais elle fut démenti le lendemain par le premier ministre Luc Adolphe Tiao :
« C’est une contre information. C’est regrettable que sur une radio aussi crédible, on balance une telle information (NDLR : l’information a été
diffusée le jeudi 10 mai dernier sur les antennes de la Radio France internationale (RFI)). Je démens catégoriquement que le Burkina Faso n’a jamais abandonné le coton OGM. Ce que la personne qui
semblait connaître ne dit pas, c’est que nous faisons nos recherches ici. Aujourd’hui, nous avons pu travailler avec les Américains et la recherche sur le coton OGM (Organisme génétiquement
modifié) se poursuit. Il faut dire que nous avons fait des avancées dans ce domaine. Bien sûr, nous pouvons avoir des difficultés, mais nous n’avons jamais abandonné. Nous venons même d’apprendre
qu’il y a déjà 250 000 tonnes de graines de coton OGM qui ont été mises sur le marché. Naturellement, comme pour toutes les semences, nous devons l’améliorer pour que la semence s’adapte aux
conditions climatiques et à l’environnement. C’est dans ce sens que nous travaillons, mais nous n’avons jamais décidé d’arrêter la culture du coton transgénique ».
Rencontre avec le Dr Déhou Dakuo, directeur du développement de la production cotonnière de la SOFITEX
(dans le journal le Pays)
« Le Pays » : Les Burkinabè se sont réveillés avec une information de RFI faisant état de l’abandon cette année de la culture du coton Bt. Qu’en est-il
?
Dr Déhou Dakuo : Nous avons également été surpris par cette information. D’autant plus que nous sommes en train de tenir nos fora d’avant-campagne avec
les producteurs. La mise en place des semences de Coton génétiquement modifié (CGM) comme celles du coton conventionnel est faite à plus de 80%. Cela veut dire que la plupart des groupements de
producteurs de coton ont été dotés en semence de coton Bt. Pour ce qui concerne spécifiquement la SOFITEX (NDLR : il existe deux autres sociétés cotonnières : la SOCOMA et Faso Coton), nous
envisageons emblaver entre 200 à 300 milles hectares de coton Bt pour la campagne 2012/2013. Pas plus tard que la semaine dernière, Faso Coton est passé à l’usine de délintage de Kourouma dans le
Kénédougou pour enlever son stock de semences de CGM et je crois que cette semaine, ce sera le tour de SOCOMA d’enlever son stock de semences. Nous sommes donc très surpris d’entendre que le
Burkina Faso veut arrêter la culture du coton Bt.
Qu’est-ce qui peut expliquer la diffusion d’une telle information. Une mauvaise source d’information ou de la manipulation ?
Je ne saurais vous le dire. Ce qui est sûr, l’information n’est pas avérée. J’ai interrogé beaucoup de personnes dans la filière et même hors de la
filière pour comprendre. On n’a pas d’explication. A moins qu’il y ait d’autres intentions derrière la diffusion d’une telle information par RFI. Cette année, il y a eu les états généraux sur la
filière coton, après cela, l’AICB (Association interprofessionnelle du coton du Burkina) a tenu une conférence de presse sur la situation de la culture du coton au Burkina Faso. Nous avons des
documents qui sont disponibles et qui sont diffusés. C’est transparent de ce côté-là.
Il y a peut être des problèmes dans la culture du CGM qui ont pu laisser penser cela ?
Comme tout intrant, pour chaque innovation que l’on introduit, il faut se donner les moyens de la suivre pendant quelques années. Pour cette semence GM
(Génétiquement modifiée), si l’on s’en tient au souhait des producteurs, 90 à 95% aimeraient avoir des semences GM, alors que pendant la dernière campagne, on a observé un certain mélange. Des
parcelles sensées être des parcelles de CGM ont subi des attaques de ravageurs. Après enquêtes, on s’est rendu compte qu’il y a eu des mélanges de semences qui pourraient être le fait des
producteurs eux-mêmes, ou survenus lors des transports. Pour éviter ces mélanges, avec notre partenaire Monsanto, on a pris des mesures. A la méthode de contrôle chromatographique communément
appelée méthode des bandelettes, on a ajouté la méthode Elisa (test sérologique) pour analyser les semences afin d’être sûr que tout ce qui sort du laboratoire est 100% GM. En outre, la SOFITEX a
élaboré un plan semencier et pour sa mise en œuvre des formations commencent la semaine prochaine. Elles concernent tous les acteurs : des agents du laboratoire aux semenciers jusqu’au
producteurs en passant par les transporteurs et les égreneurs. Tout le monde va être formé et sensibilisé sur la qualité de la semence. En station de recherche, on a vu que l’on pouvait atteindre
un rendement de 30% avec le CGM. Cela est possible en milieu paysan.
On l’a vu avec les premiers producteurs recrutés parmi les meilleurs en 2008 pour la production de semences. Mais lorsqu’on a généralisé, cela n’a pas
été le cas chez tout le monde. Les petits producteurs qui, même avec le coton conventionnel, n’atteignaient pas les seuils de rendements attendus, n’ont pas fait mieux avec le CGM à cause
essentiellement du non- respect des paquets techniques (sous-dosage d’engrais chimiques, pas d’apport en fumures organiques, non-réalisation des traitements insecticides recommandés). Le coton GM
n’augmente pas systématiquement les rendements, mais ce sont ses effets induits qui apportent une augmentation du rendement. Pour atteindre l’objectif de 30% de rendement supplémentaire, il faut
nécessairement respecter le paquet technique recommandé. Comme vous le savez, au Burkina Faso, la plupart des sols cultivés sont pauvres en matières organiques. Dans ce cadre, nous avons élaboré
un plan d’actions sur la fertilité des sols qui va faire appel à la recherche au ministère de l’Agriculture et de l’hydraulique et à nos services techniques pour en faire une action
prioritaire.
En plus du rendement, il semble que la longueur de la fibre n’était pas au rendez-vous. Ce qui a fait baisser le prix d’achat de 10%. Qu’en est-il
?
Pour ce qui concerne la fibre, nous faisons face à deux caractères dans la semence GM. C’est le croisement d’une variété burkinabè et d’une variété
américaine qui a permis d’introgresser le gène Bt. Forcément, le descendant va avoir le caractère de chacun des parents en bon et en mauvais. Dans notre cas, il me semble qu’on a trainé avec un
petit défaut de la variété américaine pour ce qui concerne la longueur de la fibre. On s’en est rendu compte très tôt au niveau de Monsanto, des sociétés cotonnières et de l’INERA, et des mesures
ont été prises. La première mesure, c’est au niveau de la recherche nationale qui y travaille et dans un ou deux ans, le problème sera résolu. Le travail est bien avancé, il ne reste plus qu’à
multiplier les semences. La seconde mesure est au niveau de Monsanto. Ils ont pris conscience du problème et ont opéré des sélections. Au cours de ce mois de mai, 14 lignées de backcross 3 (BC3)
doivent être envoyées par Monsanto à l’INERA pour la multiplication des semences. Dans le backcross 3, la part de caractères de la variété burkinabè va être plus grande afin d’améliorer la
qualité de la fibre.
Comment s’est comportée la première campagne de commercialisation du Bt burkinabè sur le marché international ?
Dans l’ensemble, de l’avis de mon collègue en charge du dossier, ça va. Il y a effectivement la question de la longueur de la fibre sur certains lots
qui a posé de petits problèmes. Mais l’un dans l’autre, la production a été écoulée. N’oubliez pas que le coton est un produit commercial et que certains concurrents peuvent profiter de cette
situation pour dénigrer notre produit. Les principales caractéristiques de notre coton n’ont pas changé. Je ne vois pas où se trouve le problème. Il y a eu, c’est vrai, quelques petites
variations par rapport à la longueur de la fibre.
Le Burkina est toujours engagé dans le Bt. Il n’y a pas de rétropédalage ?
Tout ce que je viens de dire confirme notre engagement dans le coton Bt. Nous étions récemment à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire autour du Programme
régional de protection intégrée du cotonnier en Afrique (PR-PICA). Une des principales recommandations a été que les autres pays membres (Bénin, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Togo) et les pays
voisins s’inspirent de notre expérience afin de leur faire gagner du temps. Si notre expérience était si mauvaise, elle ne servirait pas de référence. Je tiens donc à rassurer tout le monde qu’il
n’en est rien. Nous n’avons aucune crainte de ce côté-là, les producteurs non plus. Cette information diffusée aurait dû être mieux recoupée à notre avis, d’autant que France 24 qui est en train
de fusionner avec RFI, a demandé à venir faire un reportage sur le coton Bt au moment des semis, courant mois de mai et juin, ce qui a été autorisé par la SOFITEX.
Abdoulaye TAO
Si vous voulez aller plus loin faites un tour sur le site de l'Union Nationale des
Producteurs de Coton du Burkina (OGM ou non!!)